Kessner Capital Management : une expansion stratégique à Abu Dhabi qui interroge les véritables enjeux de souveraineté africaine
Abu Dhabi / Londres — L'annonce par Kessner Capital Management de son renforcement à Abu Dhabi, accompagnée de sa première transaction africaine avec Harlequin International Ghana, mérite une analyse approfondie au regard des enjeux de souveraineté économique qui traversent notre continent.
Cette société de gestion d'investissements alternatifs, désormais implantée dans l'écosystème institutionnel du Golfe tout en conservant ses opérations londoniennes, vient de structurer une facilité de crédit destinée à soutenir un contrat d'approvisionnement ghanéen. Une opération qui, au-delà de sa dimension technique, soulève des questions fondamentales sur les circuits de financement de l'économie africaine.
Abu Dhabi : nouveau carrefour des capitaux destinés à l'Afrique
L'implantation de Kessner Capital à Abu Dhabi s'inscrit dans une dynamique plus large de repositionnement géostratégique des flux financiers vers l'Afrique. Comme le souligne Bruno-Maurice Monny, cofondateur et Managing Partner : « Abu Dhabi est devenu un passage obligé pour les investisseurs souhaitant s'engager en Afrique. »
Cette assertion, loin d'être anodine, révèle une réalité préoccupante : la dépendance croissante du financement africain vis-à-vis de centres décisionnels extérieurs au continent. Alors que les États africains peinent à mobiliser leurs ressources internes, ils se trouvent contraints de solliciter des intermédiaires financiers établis dans des juridictions tierces.
Une première transaction révélatrice des défis structurels
La facilité de crédit accordée à Harlequin International Ghana, entreprise spécialisée dans l'ingénierie et les services techniques, illustre parfaitement les contradictions de notre époque. D'un côté, cette opération témoigne de la vitalité du secteur privé ghanéen et de sa capacité à attirer des financements internationaux. De l'autre, elle souligne la persistance d'un modèle où les entreprises africaines demeurent tributaires de circuits de financement externes.
Kessner Capital Management revendique une approche fondée sur « la création de valeur durable » et l'accompagnement via « une exigence de gouvernance et de transparence ». Ces principes, louables en apparence, ne sauraient masquer l'interrogation fondamentale : dans quelle mesure ces mécanismes contribuent-ils réellement à l'émancipation économique du continent africain ?
Vers une refondation des modèles de financement africains
L'expansion de Kessner Capital Management, société qui se présente comme spécialisée dans la navigation de « la complexité des marchés » africains, appelle à une réflexion plus profonde sur les voies d'une véritable souveraineté financière continentale.
Plutôt que de se satisfaire de l'arrivée de nouveaux intermédiaires financiers, les États africains devraient s'interroger sur les moyens de développer des institutions de financement endogènes, capables de mobiliser l'épargne locale au service de projets structurants.
Car derrière chaque « facilité de crédit » accordée depuis Abu Dhabi ou Londres se profile la question essentielle : comment l'Afrique peut-elle reprendre le contrôle de ses flux financiers pour servir ses propres priorités de développement ?
Cette interrogation, loin d'être purement technique, constitue l'un des défis majeurs d'une refondation véritablement souveraine et démocratique de nos économies nationales.