Gabon : gouvernance opaque et falsification des chiffres officiels selon World Economics
World Economics attribue au Gabon la pire note possible en 2025, révélant une crise profonde de gouvernance et des statistiques économiques jugées manipulées, obsolètes et peu fiables. Cette évaluation place le pays en bas des classements mondiaux, soulevant des inquiétudes majeures sur la transparence et l'intégrité de ses données officielles.

Brice Oligui Nguema, président du Gabon, accusé de falsifier les chiffres de l'économie du pays
Le constat est sans appel : dans son classement 2025, World Economics attribue au Gabon la note « E », synonyme de qualité statistique extrêmement pauvre et de gouvernance jugée opaque, un signal rouge sur l’intégrité des données officielles. Classé 152e sur 165 par l'agence mondiale, le pays s'enfonce dans une crise sans précédent.
Des statistiques inutilisables, voire manipulées
Avec un score de 40,5, le Gabon se classe en position 152 sur 156 pays évalués, juste derrière la Centrafrique et devant le Cambodge et la Bolivie. Selon le rapport, ce classement résulte notamment :
d’un base year ancien :
Cela signifie que les calculs économiques du Gabon (comme le PIB) sont toujours basés sur des prix et structures économiques dépassées. En d’autres termes, les autorités n’ont pas actualisé leurs données économiques depuis trop longtemps, ce qui rend les chiffres totalement déconnectés de la réalité actuelle.l’usage d’un cadre SNA désuet (1993) :
Le SNA (System of National Accounts) est un cadre international qui définit comment les pays doivent mesurer leur économie (revenus, dépenses, production, etc.).
Le Gabon utilise encore la version ancienne de mesure, alors qu’une version plus moderne existe depuis plusieurs années. Cela signifie que le Gabon applique une méthode obsolète, ce qui nuit à la comparabilité et à la fiabilité de ses données.une économie informelle représentant presque la moitié du PIB (≈ 47 %):
L’économie informelle comprend toutes les activités économiques non déclarées (vente sans facture, travail au noir, petits commerces de rue, etc.). Au Gabon, cela représenterait près de la moitié de l’économie totale. Elle aurait fortement augmenté ces dernières années. Résultat : une énorme partie de la richesse nationale échappe aux statistiques officielles, ce qui fausse les indicateurs comme le PIB, le chômage ou les recettes fiscales.des ressources statistiques faibles :
Cela signifie que les organismes chargés de produire les statistiques (ex : INSEE local) manquent de moyens humains, financiers et techniques, malgré une fonction publique gonflée. Résultat : les données sont rares, lentes à publier ou peu fiables, ce qui empêche toute bonne planification économique.et surtout, une gouvernance déclarée opaque, où les chiffres officiels pourraient avoir été falsifiés :
World Economics accuse le gouvernement gabonais d’avoir une gestion publique non transparente, où les chiffres peuvent être manipulés à des fins politiques, par exemple pour minimiser l’endettement, masquer une crise économique ou enjoliver les performances du pays.
Gouvernance opaque : une accusation grave
World Economics accuse le gouvernement gabonais, dirigé par Brice Oligui Nguema, d’instaurer une gouvernance opaque, sans transparence ni fiabilité dans les données publiques. Ce type de comportement est typique de régimes où le pouvoir s’arroge la propriété des chiffres officiels pour masquer la vérité économique.
Une situation confirmée par d’autres indicateurs
Les indicateurs mondiaux de gouvernance (WGI) délivrés par la Banque mondiale dressent un tableau alarmant pour le Gabon :
Efficacité du gouvernement : −0,78
Qualité de la réglementation : −0,70
Etat de droit : −0,87
Contrôle de la corruption : −1,02
Ces scores très faibles confirment un contexte institutionnel défaillant, miné par un manque de crédibilité et de sérieux dans la gestion publique.
Conséquences économiques majeures
Déjà accusé d'autoritarisme depuis de nombreux mois, le gouvernement Gabonais ne va pas améliorer son image à l'international. Cette mauvaise visibilité des fondamentaux du pays renforce la défiance des investisseurs. Fitch a récemment classé le Gabon à la notation CCC, très en-deçà du niveau investment grade, tout en soulignant que l’accès à la dette reste fragile. Lorsque les données économiques sont peu fiables, les projections budgétaires, les évaluations de risques et les décisions politiques perdent toute base solide.
Un scandale statistique et politique
L’attribution de la note E par World Economics n’est pas un simple coup de bluff : c’est une alerte rouge sur l'effondrement institutionnel du Gabon. Des chiffres falsifiés ? Une gouvernance opaque ? Ce diagnostic résonne comme une mise en accusation directe du régime en place.
Nul besoin d’être expert pour comprendre que sans transparence statistique, aucune politique économique sérieuse n’est possible. Et si des chiffres ne disent pas la vérité, c’est le pays tout entier qui est mis à mal.
Jean-Brice Mouyembe
Journaliste gabonais indépendant, couvre les enjeux politiques, économiques et diplomatiques du Gabon avec un regard critique et engagé. Ancien correspondant pour Le Temps Afrique.